Problème de recherches – Exercice
Il n’y a normalement de recherche à mener que dans la mesure où celle-ci vient s’attaquer à un problème. Toute enquête peut en effet être définie comme un processus expérimental de transformation d’une situation indéterminée, confuse, problématique, en une situation déterminée formant un tout unifié (John Dewey). C’est donc à l’horizon de la résolution de problèmes (à la fois dans la pensée et dans la pratique) que telle stratégie de recherche, telle méthode, telle technique se justifie.
Deux questions: Quel est le problème que vous vous donnez à résoudre, ou en tout cas, à clarifier? Et dans quelle mesure les méthodes dont vous vous dotez représentent le meilleur moyen (en comparaison avec quel-s autre-s) pour y arriver?
Le problème posé par ma thèse concerne l’exploitation du patrimoine bâti jordanien. Ma recherche s’intéresse aux projets alternatifs de valorisation de ce patrimoine, les acteurs de ces projets, leurs interactions et la façon dont les différentes sphères culturelles agissent sur eux. Il est nécessaire d’expliquer brièvement les termes employés avant de poser plus clairement la problématique et les méthodes mobilisées.
Les termes les plus importants à clarifier sont « valorisation du patrimoine». Le patrimoine est un concept complexe, dont les savoirs et expériences se sont multipliés avec le temps. De nos jours, il est souvent matérialisé par son annexion au concept de développement, qui lui accorde alors une idée de fonction. Fonctions passées et fonctions futures, la complexe liaison entre ces deux visions représente le fondement des démarches de valorisation du patrimoine que je souhaite étudier.
Par « projets alternatifs » j’entends les initiatives qui cherchent au-delà des valeurs d’usages que l’on prête au patrimoine. Les premières expérimentations en termes de valorisation du patrimoine, musées ou sites touristiques, sont devenues désormais des approches classiques. En marge de ces classiques, les démarches participatives se reconnaissent de leurs caractères atypiques. La recherche du ’’hors normes’’. J’aimerais mettre en avant ce laboratoire de nouvelles pratiques que représentent les démarches participatives dans le domaine du patrimoine bâti. Elles ne sont pas le résultat d’un dispositif technique ou d’une mise en forme institutionnelle. Partant de la conception de Malinowski, le participatif consiste à abolir la distance avec l’objet en devenant acteur. Les projets culturels participatifs naissent alors d’une logique d’action. Cette logique donne la possibilité à chacun de s’impliquer dans le processus créatif de l’action. La participation est perçue comme une condition et non plus comme une conséquence du processus de valorisation du patrimoine. La réappropriation de ce processus ne se fait que parce que ces projets échappent encore aujourd’hui à une forme de normalisation.
En bref, cette première partie plutôt descriptive, tente de décrire quelques-uns des processus par lesquels se sont configurés les projets de valorisation du patrimoine. Insister sur le caractère alternatif n’est pas innocent. Ce qui motive cette recherche tient tout d’abord en un défaut de contenu académique sur ce phénomène. La pratique, n’est pas en cause. Plusieurs projets alternatifs (participatifs ou non) de valorisation du patrimoine bâti ont déjà vus le jour en Jordanie. Ils se sont développées en Jordanie comme ailleurs. Mon projet emprunte un chemin inverse, ramener la pratique alternative à la théorie du patrimoine.
S’intéresser au patrimoine bâti en Jordanie, c’est d’abord faire état du pluralisme des considérations de l’architecture et de son caractère historique. Ma question de recherche est donc intimement liée à l’enquête ethnoarchéologique. Pourquoi ? Parce que cette méthodologie se donne pour tâche d’analyser la perception des acteurs sur leur objet d’étude. Parce que cette position permettrait d’apprendre en quoi les réseaux d’acteurs influencent le développement des projets du patrimoine bâti en Jordanie. Les conflits d’interprétations méritent d’être traités comme des problèmes justifiables de quelque solution. Il s’agit donc d’explorer les manières dont les différentes acteurs s’investissent dans les projets de valorisation du patrimoine bâti jordanien (1) et occupent les lieux (2). L’analyse confrontera ces données à une cartographie des projets jordaniens en cours (3), leurs impacts directs sur le lieu (4) et indirects sur les pratiques (5). Au final, mobiliser l’hypothèse de la capacité des projets alternatifs de valorisation du patrimoine à se placer comme outils de développement en Jordanie.
[ à suivre …
